Sommet de Paris : la relation Cameroun-France est au beau fixe ( Jean Marie BIADA).
- Admin
- 18 mai 2021
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Sommet de Paris du 19 Mai 2021 : L’économiste Jean Marie BIADA pose un regard critique sur l’opportunité de cette rencontre et les perspectives de relance de l’économie africaine.
Paul BIYA absent de la liste des présidents africains conviés au sommet de Paris du 18 Mai sur la relance de l’économie africaine. Est-ce le signe d’un refroidissement des relations France-Cameroun ?
Je vais répondre par la négative, on ne peut pas aller sur la base de l’analyse du profil des invités appelés à participer au sommet du 18 mai 2021 dédié à la relance de l’économie africaine postcovid19, du simple fait de l’absence du Président BIYA et conclure à un relâchement des relations entre la France et le Cameroun . Les ambassadeurs respectifs de chacun des Etats n’ont pas été rappelés. Les travaux qui devaient être financés par l’Agence française de développement continus de l’être , Les fonds ont été logés à la Caisse autonome d’amortissement et les paiements se font sans problèmes ; tous les achats dont la déclaration d’importation a été levée sur la destination française continus d’être vendus au Cameroun sans aucun problème , toutes les commandes envoyées au Cameroun par certains agents économiques , intéressés par tout ce que nous produisons en termes de matières premières sont toujours servis ( bois / cacao / banane…). La société fruitière de Marseille qui exploite les plantations de Njombe via l’entreprise La société des plantations du Haut Penja (PHP) continuent d’étendre ses activités sans anicroche. Certains grands chantiers ici au Cameroun continuent d’être exécutés par des prestataires français. Evoquons dans cette veine, le projet de Natchigal qui va injecter dans le réseau interconnecté Sud plus de 400 mégawatts et bénéficiaire d’un financement de 150 millions d’euros du groupe de l’Agence française de développement … Des exemples à profusion peuvent être cités pour confirmer que la relation Cameroun-France est au beau fixe. L’absence du président BIYA n’est en rien le signe du refroidissement de la relation. Franco-camerounaise.
Depuis quelques années, la France fait face à une campagne de réprobation populaire en Afrique . Son paternalisme tant décrié semble encore avoir de beau jours devant elle, et ce avec le concours de certains Chefs d’Etat africains .
Certains Chefs d’Etat Africains qui veulent se prendre pour souverains capables de décider du sort de leur pays sans appui extérieur, sont des démagogues. Le système mis en place par la France pendant près de 100 ans pour cadenasser les Africains, ne peut pas être démantelé par la simple volonté d’un individu fut-t-il Chef d’Etat. En guise d’exemple, si la France vous sollicite et vous lui tournez le dos , quand vous irez à la Banque Mondiale ( notamment les 5 agences du groupe de la banque mondiale ) , elle y est . Si vous tournez le dos à l’Agence Française de Développement et optez pour le secteur privé, vous ferez face à PROPARCO. Sur le plan politique, La France est tout aussi présente avec la Francophonie comme au conseil de sécurité des Nations-unies. Pour le rééchelonnement de la dette il faudra faire avec le Club de Paris.
La France est si présente dans le système international qu’un Chef d’Etat africain sérieux, raisonnable et réaliste ne peut éviter la destination française soit pour négocier des lignes de financement pour développer son pays soit pour négocier des interventions auprès d’autres bailleurs de fonds. En guise d’exemple, vu que nous sommes à l’ère du COVD19 , la France peut aisément vous parrainer pour l’accès au bénéfice de la facilité du crédit rapide mis en place par le Fonds monétaire international (FMI) avec des financements à hauteur de 150 ou 300 milliards FCFA sans intérêts. Des financements impossibles à lever sur le plan local ou sous-régional notamment avec la bourse sous-régionale sans un taux intérêt d’au moins de 5,5 % . La France offre l’opportunité de nombreux guichets pour des appuis multiformes. Tant que nous n’avons pas la possibilité de battre monnaie et de fixer les prix des matières premières produites localement ( Pétrole / Bois / coton / thé…) et surtout de les transformer grâce aux technologies acquises ailleurs , la France continuera son paternalisme .
Il faut qu’un grand travail soit fait en interne comme l’a fait la Chine qui vient de lancer une navette spatiale sans le concours des américains et des russes. Malheureusement nous ne faisons pas grand-chose en interne. Nous ne consommons pas nos ressources humaines . Nous avons des écoles dans tous les domaines ( Agriculture / médecine / ….) mais nous n’en profitons pas . En guise d’illustration , nous avons des académies de football mais nous continuons à importer des sélectionneurs étrangers chèrement payés à l’instar de Tony Concèicao ( 65 millions FCFA par mois ) au détriment de nos locaux ( Omam BIYICK son adjoint payé 6 millions par mois ). C’est un scandale !
Nous ne consommons pas ce que nous fabriquons et nous ne valorisons pas nos expertises. Notre élite , notamment politique, refuse des soins dans nos hôpitaux et se réfugie vers l’expatriation sanitaire. Un véritable paradoxe pour un pays comme le Cameroun qui jouit désormais de cinq facultés de médecine ayant formé plus de 10 000 médecins dont une centaine chaque année.
Nous devons développer la capacité à transformer ce que nous produisons en interne et un seuil critique de contestation qui imposera à la France de nous laisser battre monnaie. Avec une capacité à battre monnaie et à transformer nos produits locaux nous pourrons booster notre développement. Ce n’est pas la démocratie qui va nous développer. On ne fait pas la démocratie sans moyens de subsistance sur le plan alimentaire. Avec notre monnaie et une maitrise des technologies de transformation, nous n’aurons plus à faire la queue pour des célébrations et commémorations qui nous sont futiles (débarquement de Normandie / Attentats…).
Fort de ces acquis nous serons capable de nous respecter, de produire ce que nous mangeons, de valoriser nos expertises en occurrence recruter un entraineur à la tête de notre équipe fanion de football qui pourra travailler 5 ans ou 10 ans sans tenir compte des échecs.
En définitive et sous le prisme de la realpolitik, un chef d’Etat africain francophone qui tourne le dos à la France sans la maitrise de ces deux leviers sus-évoqués, se dirige tout droit vers un suicide pour lui-même et pour son peuple.
La pandémie COVID19 a affiché la déliquescence des systèmes sanitaires des pays africains. Au plus fort de la crise, les présidents africains n’ont pu faire consensus autour d’un projet de riposte collectif endogène. Faut-il espérer un plan marshall pour la santé en Afrique piloté par le Africains au sortir de ce sommet de Paris du 18 mai ?
Penser à Paris Un plan Marshal pour la santé en Afrique est illusoire. Cela doit se faire en Afrique, à Addis ABEBA par exemple. Une telle initiative pourrait s’inscrire dans une dynamique similaire que celle ayant aboutie à la mise en place de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) qui repose sur les huit communautés économiques régionales. Quand bien même ce système sera mis en place, il va se poser un problème de financement. A cela il faut intégrer une grande campagne de sensibilisation motivant les africains à croire aux initiatives locales, aux expertises locales, aux ressources naturelles thérapeutiques locales (les africains n’y croient pas).
Parlant de financement, il est opportun de rappeler que les pays africains ne paient pas ou ne sont pas à jour de leurs cotisations lorsqu’ils adhèrent à une organisation. Toute chose qui limite leur pouvoir de prise de décision ou de vote.
Escompté à l’issue de ce sommet, l’accord du FMI pour des Droits de Tirages Spéciaux (DTS). Quels sont les atouts de ce mécanisme pour une véritable relance des économies africaines Post-covid19 ?
Les Droits de Tirages Spéciaux datent de 1969 et permettent de mettre à niveau les réserves des différents Etats membres du FMI . Sa valeur depuis 2016 a été articulé autour d’un panier de monnaies à savoir le dollar, l’euro, la livre sterling, le Yen , le Yuan . Les DTS sont tirés en fonction de la quote-part de chaque Etat. Les Etats africains détenteurs de faibles quotes-parts ne peuvent escompter des DTS conséquents et cela ne saurait véritablement être un socle de grands espoirs pour la relance des économies africaines.
*Jean Marie BIADA
Economiste, 3e cycle en gestion des systèmes d'information et aide à la décision.
Expert Certifié ONUDI en Diagnostic et Mise à Niveau des Entreprises
PROPOS RECUEILLIS PAR : Serge SEPPOH
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